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    Non-violence et résistance

     

    L’article qui suit ; écrit par "Le hérisson", est paru sur Agoravox le 9 février 2007 (en cette page).

    José Bové, non-violence et résistance

    Les médias et l’opinion publique ont découvert José Bové lors du démontage du Mac Do, en 1999. En réalité, cette action, tout comme la lutte contre les OGM, s’inscrit dans une longue tradition de résistance, caractéristique d’une certaine nouvelle gauche antimarxiste, qui a pris naissance dans les années soixante-dix.

    Il est de bon ton, chez les socialistes, de moquer José Bové, sa moustache et ses allures de Don Quichotte contre la mondialisation. Comme bien des Français, la plupart pensent que Bové est un pur produit médiatique des années 2000, comme s’il était apparu soudainement à la suite de la destruction du Mac Do. Erreur. Bové s’appuie sur une tradition de la gauche française, antimilitariste, égalitariste, internationaliste, régionaliste...

    Le Larzac, à l’origine.

    Bové n’est pas originaire d’une famille agricole comme certains se plaisent à le souligner. Il est même issu d’un milieu aisé, fils d’un ingénieur de l’Inra (Institut national de recherche agronomique). Il a séjourné aux Etats-Unis et parle un anglais quasi parfait. En 1973, il prend fait et cause pour le mouvement des paysans du Larzac et s’installe sur le Grand Causse. Aujourd’hui, la connotation « Larzac » signifie « bobos » ou « intellectuels de gauche ». C’est oublier ce que fut l’un des plus âpres combats de la cinquième république. Sous l’égide de G. Pompidou, puis de Giscard, l’armée avait en effet décidé d’annexer la totalité des terres du Larzac, paraît-il, afin que les Causses servent de base d’entraînement à « l’éradication de l’ennemi intérieur ». A l’époque, des agriculteurs, la plupart sans grandes connaissances politiques, s’insurgent contre cette annexion qui va les priver de leurs terres, empêcher la production de Roquefort, leur gagne-pain, malgré des prix attractifs proposés par le ministère de la Défense. Plus d’une centaine de paysans concernés signent un manifeste, sans trop y croire, mais cependant bien décidés à en découdre avec l’armée. José Bové, insoumis au service militaire, va faire la connaissance du combat du Larzac en 1974. A l’époque, il n’est pas un leader. Cela dit, le mouvement du Larzac fédère un très grand nombre de volontés. L’imagination dans la contestation, la désobéissance civile contre l’armée et l’Etat, les initiatives tous azimuts se succèdent.

    Quand la loi est inique...

    Le combat pour le Larzac n’est pas un fait idéologique isolé. A peu près à la même époque, la contestation de la centrale nucléaire de Plogoff, qu’EDF veut construire sur un site remarquable en Bretagne, à deux pas de la pointe de Penmarch, fait rage. Il faut savoir qu’à l’époque, les paysans du Larzac ont eu à se prononcer sur un choix difficile : fallait-il que la lutte s’alignât sur les mouvements marxistes, y compris maoïstes, qui prônaient la violence, ou sur un autre mouvement, plus pacifiste ? Après la rencontre des agriculteurs expropriés avec le philosophe Lanza del Vasto, ils choisiront la technique de lutte « non violente », un choix politique qui ne se démentira plus. Ainsi, le combat du Larzac se situe dans une philosophie de gauche à la fois antimarxiste, libertaire, parfois chrétienne, et non violente. Ce dilemme n’est sans doute pas étranger aux difficultés de compréhension entre Bové, Buffet et Besancenot : aucun des trois n’a la même culture politique. Les agriculteurs contestataires s’inspirent des méthodes non violentes : Martin Luther King, Gandhi ou Lanza Del Vasto... L’objectif est assez simple : l’analyse de départ est qu’une loi peut être parfaitement injuste et une société, violente, sans pour autant qu’il y ait agression visible. Lorsqu’on est confronté à une telle situation, il faut désobéir à la loi, sans atteinte physique, mais par tous les autres moyens possibles : grève de l’impôt, manifestations en nombre, utilisation intelligente des médias, faire écran aux forces de l’ordre... Ainsi armés, les paysans résisteront à l’Etat et aux ministères de la Défense successifs pendant dix ans, ils construiront des habitations, des équipements agricoles, ils essaimeront, accueilleront les marginaux comme des intellectuels, ouvriront l’une des premières universités d’été consacrées à la non-violence... François Mitterrand vient soutenir le mouvement en 1974. Des militants maoïstes, trouvant le chef de la gauche trop tiède sur la question militaire, lui feront un funeste accueil. Grâce à Bové et à ses compagnons, Mitterrand pourra en réchapper sans trop de dommages. Il ne l’oubliera pas. Sitôt élu en 1981, après dix ans de combat des antimilitaristes, il décide l’annulation de l’extension du camp militaire. Les agriculteurs du Larzac triomphent.

    Féminisme, régionalisme, démocratie...

    Le mouvement du Larzac n’est pas isolé. Il fait partie, en quelque sorte, de la queue de comète qui suivit mai 1968. A ma connaissance, le mouvement du Larzac est le premier à lancer des « universités d’été » qui seront reprises ensuite par les partis politiques. Elles sont organisées sur le plateau, on parle d’antimilitarisme et de non-violence, d’objection de conscience, bien sûr, mais également du droit des femmes, du régionalisme, d’internationalisme, du renouveau de la gauche, de la critique du capitalisme, de l’accueil des exclus... L’analyse dépasse de loin celle des révoltés de 1968 : les maoïstes sont has been et les militants du Larzac appellent de grandes figures aux conférences, que ce soit sur les droits de l’homme, les inégalités, l’internationalisme, etc. Le Larzac fédère alors tous les combats, chacun se retrouve auprès des paysans qui furent les premiers à réussir face au pouvoir tout puissant de « La grande muette ». Car évidemment, pendant ces dix années qui précèdent l’élection de F. Mitterrand, les brimades de l’armée ont été quasi quotidiennes : arrestations, explosions de fermes tout juste rénovées, intoxications de puits, coupures d’électricité, etc. Mais les manifestations organisées régulièrement pendant l’été réunissent des dizaines de milliers de personnes. Une année, les cents paysans réfractaires, dont Bové, entreprendront une marche qui les mènera jusqu’à Paris. A l’arrivée, Place d’Italie, près de 100 000 manifestants sont là pour soutenir les paysans qui venaient d’achever des mois de marche à travers tout l’Hexagone.

    Le Mac Do

    Avec la victoire des paysans du Larzac, Bové, qui malgré ses origines aisées, est éleveur de plusieurs centaines de brebis, a pris goût à l’action. Il souhaite que le mouvement et les idées qui furent à l’origine du Larzac ne meurent pas. Il est convaincu que là, dans ce creuset, se trouvent tous les ingrédients qui peuvent repenser une nouvelle contestation, la mise en place d’un contrepoids à la mondialisation (Bové n’a jamais critiqué la mondialisation en tant que telle, il a seulement souligné et regretté que la mondialisation capitalistique puisse s’exprimer librement, sans aucune contrainte politique efficace), l’objectif de bien-être pour tous et non pour des intérêts particuliers, l’antimilitarisme, le sens de la région et du pays où l’on vit, la « démocratie de proximité »... Bové et ses amis sont des pro. des médias. Ils connaissent sur le bout des doigts les principaux principes de communication qui feront que leurs actions passeront au vingt heures. Le fameux « démontage » du Mac Do fait partie de cette stratégie. Cela dit, il s’agissait d’un démontage (le propriétaire n’a même pas porté plainte) et non d’une destruction. Enfin, l’objectif était de protester contre la décision de l’OMC de valider les sanctions imposées par les USA (taxations punitives des produits européens, dont le Roquefort) en raison du refus de l’Union européenne d’importer du bœuf aux hormones. A dire vrai, la Confédération paysanne et J. Bové ont probablement fait une erreur de stratégie ; en mettant sous les caméras le démontage du Mac Do, ils laissaient de côté, du même coup, le but profond de leur démarche, qui avait pour base une injustice profonde concernant les échanges commerciaux entre les USA et l’Europe. D’une certaine manière, en choisissant la médiatisation du démontage du Mac Do, Bové et ses amis choisissaient de placer sous silence toutes les motivations profondes et complexes qui conduisirent à cette action.

    OGM : manipulation ?

    Avec les OGM, la démarche est la même : si la loi est mauvaise - ou en l’occurrence inexistante - il faut lutter contre la loi.

    A propos des OGM ,il faut rappeler plusieurs faits :

    • l’effet inoffensif des OGM n’a jamais été prouvé. Au contraire, les plus sérieux doutes subsistent, que les OGM, organismes génétiquement manipulés, disent les compagnons de Bové, soient non seulement néfastes pour la santé, mais également pour les cultures à proximité.
    • Les recherches qui concluent au caractère inoffensif des OGM sont uniquement le fait des labos privés liés aux firmes qui les produisent. C’est un peu comme si les producteurs d’amiante étaient les seuls habilités à faire des recherches pour prouver que l’amiante est inoffensif...
    • La culture des OGM lie les agriculteurs aux semenciers tels Mosanto. En effet, contrairement à ce qui s’opérait depuis des siècles, avec les OGM, l’agriculteur ne peut plus sélectionner sa propre semence mais doit avoir recours aux multinationales, et ceci pour des coûts prohibitifs.
    • Dans la plupart des cas, contrairement à ce qui a été dit, les parcelles « fauchées » par Bové et les siens n’avaient pas pour but la recherche. Rappelons qu’en France, nous avons l’un des meilleurs organismes de recherche au monde, l’Inra. Aucune des parcelles fauchées n’appartenaient à l’Inra, mais à des agriculteurs liés contractuellement à des semenciers.

    Pour couronner le tout, voilà ce que disent le directeur et le président de l’Inra dans un rapport très complet au sujet des OGM : « Si grandes soient les attentes vis-à-vis de cette possibilité inédite d’intervenir sur le vivant, une grande prudence s’impose devant une innovation majeure aux impacts encore peu connus. » Voir le rapport complet à l’adresse : http://www.inra.fr/internet/Directions/DIC/ACTUALITES/DOSSIERS/OGM/OGM.htm

    Il suffit pourtant de regarder une carte de culture des OGM en France pour observer qu’ils se développent partout, y compris dans des régions comme le Poitou-Charentes, où la présidente voulait les supprimer (S. Royal). Rappelons enfin que selon les sondages, plus de 70% des Français refuseraient de se nourrir d’OGM. Et pourtant, cette culture qui nous concerne tous n’a fait l’objet d’aucun débat, d’aucune loi, d’aucun souci de protection...

    La « vraie » gauche ?

    José Bové et ses compagnons ne sont-ils pas les inspirateurs d’une vraie « nouvelle gauche » ? Antimilitarisme, critique de l’ordre établi, non-violence, critique du capitalisme financier et de ses errements, lutte pour mettre en place une contradiction efficace à la mondialisation... autant de sujets sur lesquels la gauche est en panne. En panne d’idées, de réflexion, d’adhésions. Bové n’est pas d’hier. Son combat a commencé il y a trente ans. Il s’est nourri des valeurs humanistes telles que la confiance en l’homme, en l’autre, le refus de l’exclusion, un meilleur équilibre nord-sud, la fin d’une agriculture productiviste qui prétend « nourrir la moitié du monde », alors que pour survivre, elle en exploite les matières premières. Avant tout le monde, les paysans du Larzac ont en effet réalisé la critique du modèle agricole occidental.

    Pour comprendre ce combat du modernisme contre l’archaïsme, qu’il soit de gauche ou de droite, il faut aller se plonger dans les Causses du Larzac. Rencontrer les autres, comprendre leur combat. Savoir comment ils ont vaincu une armée française qui nous ponctionne 20 % de nos impôts... Il faut arpenter les Grands Causses au climat difficile, se nourrir de cette « France profonde »-là. Celle qui se bat.

    Le Hérisson

     
    Publié le lundi 12 février 2007
    Mis à jour le vendredi 16 février 2007
    par Alain

     
     
     
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