En introduction, retenons ces propos extraits d’un article d’Agoravox signé Michaël Dambrun, enseignant-Chercheur (en sciences de la cognition et du comportement social, psychologie sociale et psychologie interculturelle) à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Certains sont ici mis en gras.
Le « généticisme » peut se définir comme la croyance selon laquelle les gènes sont les principaux déterminants de la personnalité et des comportements. Dans cette perspective, dans la mesure où ils confèrent à la pédophilie et au suicide une origine génétique, les propos de M. Sarkozy sont clairement généticistes. Dans une étude réalisée en France (source : Dambrun & al., 2007), nous avons mesuré les scores de généticisme et d’intolérance de 259 personnes. La mesure permettant de calculer un score d’intolérance était constitué d’une échelle de racisme, d’une échelle de sexisme et d’une échelle d’hostilité envers les pauvres. Ainsi, pour chaque sujet, nous disposions de son score d’adhésion au généticisme et de son score d’adhésion à des attitudes intolérantes. Les résultats sont très clairs ; plus les sujets adhèrent aux généticisme, plus ils sont intolérants. Les relations sont statistiquement très significatives. Autrement dit, plus les individus pensent que les gènes sont les principaux déterminants de la personnalité et des comportements, plus ils sont racistes, plus ils sont sexistes et plus ils dénigrent les personnes économiquement pauvres. Une collègue de l’université Mannheim en Allemagne trouve exactement les mêmes résultats avec des mesures différentes (voir Keller, 2005). Afin de s’assurer qu’il existait bien une relation de cause à effet entre le généticisme et l’intolérance, Keller a réalisé une expérience en laboratoire très intéressante. Dans cette expérience, des personnes volontaires étaient assignées aléatoirement à deux conditions expérimentales différentes. Dans la première condition, les sujets devaient lire un article qui rendait saillante l’importance des gènes chez l’homme (condition pro-généticisme). Dans la deuxième condition, d’autres sujets lisaient un texte neutre (i.e. condition contrôle). À la suite de la lecture de ce texte qui était soit « pro-généticiste » soit neutre, tous les sujets devaient répondre à des mesures d’intolérance. Les résultats sont très clairs : les sujets qui ont lu le texte pro-généticisme deviennent significativement plus intolérants que les sujets qui ont lu le texte neutre. Autrement dit, l’adhésion au généticisme déclenche de l’intolérance. Ici, la relation causale est clairement établie. |
Replaçons maintenant les propos de Nicolas Sarkozy dans leur contexte. Ils ont été publiés dans le magazine Philosophie Magazine n°8, d’avril 2007, reprenant une discussion entre le candidat à la présidence de la République et le philosophe Michel Onfray.
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Même si elles n’ont pas fait long feu, il y eut des réactions après la publication de ces propos. En voici quelques uns (pris notamment sur cette page).
"Si nous sommes habités par des gènes qui sont en eux-mêmes criminogènes, ça veut dire que nous n’avons pas la responsabilité de ce que nous faisons. Il a dû se tromper, ce n’est pas possible", a-t-il estimé. |
"La vision d’un gène commandant un comportement complexe tel que ceux conduisant à l’agressivité, à la violence, à la délinquance, à la dépression profonde avec dérive suicidaire, est ridicule et fausse". Pour M. Kahn, "cette conviction réaffirmée par le candidat de l’UMP à l’Elysée confirme ses liens idéologiques avec la nouvelle droite". |
"Défendre l’idée d’un tel type de déterminisme est "extrêmement dangereux" |
"L’idée d’une pédophilie prédictible et génétique, c’est purement renouer avec le chromosome du crime de Cesare Lambroso", criminologue italien du XIXe siècle. [...] Les récents propos de M. Sarkozy renvoient aussi à une façon très linéaire, réductrice et faussement prédictible d’utiliser la génétique. [...] Or,compte tenu des acquis de la science, on n’est plus du tout dans une génétique causale reliant un gène et un effet comportemental, mais dans une génétique beaucoup plus complexe, une génétique de vulnérabilité. Avoir des "facteurs de susceptibilité, de prédisposition, cela ne suffit pas pour devenir délinquant ou se suicider, il y a des effets de rencontres avec l’environnement au sens large : relationnel, psychologique, sociologique, politique, culturel. [...] Il n’y a "aucune prédiction possible parce que, par définition, les effets de rencontres sont imprévisibles, sinon notre vie serait entièrement écrite à l’avance. [...] En ce qui concerne la pédophilie, il n’y a pas la moindre preuve de gènes de susceptibilité" |
Les internautes avaient aussi réagi vivement, sans avoir à se tenir à des convenances de personnalités connues.
Accablant. Le déterminisme génétique défendu par Nicolas Sarkozy fait vraiment peur. C’est ce genre d’idées qui étaient défendues par les racistes aux Etats-Unis, par les nazis et bien d’autres. De plus, son appel à la "culture" et à la "civilisation" témoigne soit d’une absence complète de connaissance historique, soit d’un aveuglement à l’égard de la réalité ; tout le monde sait bien que l’Italie des années 1920-1940, et l’Allemagne des années 1930-40 étaient des pays sans aucune culture ni civilisation...
Il est par ailleurs dommage que Nicolas Sarkozy ne nous dise pas ce qu’il compte faire des pédophiles, puisqu’ils sont apparemment irrécupérables...ombreux internautes avaient vigoureusement réagi, sans s’en tenir à la convenance de personnalités connues. Voici quelques unes de ces réactions. |
Tout cela est très grave. On peut entendre, en 2007, que les pathologies mentales sont "innées" et non "acquises"...
Réveillez-vous ! depuis le XIXe, la psychatrie a fait des progrès ! La psychanalyse existe ! etc...
Regardez la bio d’un Guy Georges pour vous faire une idée de ce qui créé un psychopathe... C’est dans son histoire et non dans ses gênes qu’il faut trouver la solution ! La plupart des pédophiles et des violeurs ont eux mêmes subi des violences dans leur enfance ou leur adolescence, sans aucune remise en question de leur aggresseur.
De plus, les gênes par définitions se transmettent. Donc un fils de pédophile devient pédophile ? Un fils de suicidé se suicide ? Waou, quelle part laissée au libre arbitre ! A la construction inconsciente ! Quelle vie en prévision pour le fils du pédophile, déjà victime de son père (puisqu’il porte à sa place une partie de la condamnation publique à travers des rumeurs, des regards..) et qui du coup est condamné à reproduire les violences paternels, puisque c’est la seule chose que l’on attend de lui ! Donc, en poussant le raisonnement jusqu’au bout, il faut enfermer "en prévision" les enfants des pédophiles ? Sarkozy est vraiment très, très flippant. |
De tels propos de la part d’un homme politique sont évidemment destinés à préparer le terrain à des mesures une fois au pouvoir. Et on est en droit de s’inquiéter ! Pourquoi, en effet, se fatiguer à éduquer, soigner des citoyens en déshérence sociale, culturelle si l’emprisonnement est la seule solution ? À quoi bon une justice si les justiciables sont condamnés d’avance ? Inquiétant ! |
Pour finir, il est intéressant d’écouter Michel Onfray raconter sa rencontre avec Nicolas Sarkozy. Voici des extraits de son récit sur cette page du Nouvel Observateur.
Arrivée du Ministre de l’intérieur avec un quart d’heure d’avance, il est 17h00 ce mardi 20 février. Début houleux. Agressivité de sa part. Il tourne dans la cage, regarde, jauge, juge, apprécie la situation. Grand fauve blessé, il a lu mes pages de blog et me toise – bien qu’assis dans un fauteuil près de la cheminée. Il a les jambes croisées, l’une d’entre elles est animée d’un incessant mouvement de nervosité, le pied n’arrête pas de bouger. Il tient un cigare fin et long, étrange module assez féminin. Chemise ouverte, pas de cravate, bijoux en or, bracelet d’adolescent au poignet, cadeau de son fils probablement. Plus il en rajoute dans la nervosité, plus j’exhibe mon calme. Premier coup de patte, toutes griffes dehors, puis deuxième, troisième, il n’arrête plus, se lâche, agresse, tape, cogne, parle tout seul, débit impossible à contenir ou à canaliser. Une, deux, dix, vingt phrases autistes. Le directeur de cabinet et le porte-plume regardent et écoutent, impassibles. On les imagine capables d’assister à un interrogatoire musclé arborant le même masque, celui des gens de pouvoir qui observent comment on meurt en direct et ne bronchent pas. Le spectacle des combats de gladiateurs. Je sens l’air glacial que transportent avec eux ceux qui, d’un geste du pouce, tuent ou épargnent. Poursuite du monologue. Logorrhée interminable. Vacheries lancées comme le jet de fiel d’une bile malade ou comme un venin pulsé par le projet du meurtre. Hâbleur, provocateur, sûr de lui en excitant l’adversaire à se battre, il affirme en substance : « Alors, on vient voir le grand démagogue alors qu’on n’est rien du tout et, en plus, on vient se jeter dans la gueule du loup… » ! Je fais une phrase. Elle est pulvérisée, détruite, cassée, interdite, morcelée : encore u cynisme sans élégance, toujours des phrases dont on sent qu’il les souhaiterait plus dangereuses, plus mortelles sans parvenir à trouver le coup fatal. La haine ne trouve pas d’autre chemin que dans cette série d’aveux de blessure. J’avance une autre phrase. Même traitement, flots de verbes, flux de mots, jets d’acides. Une troisième. Idem. Je commence à trouver la crise un peu longue. De toute façon démesurée, disproportionnée. Si l’on veut être Président de la République, si l’on s’y prépare depuis le berceau, si l’on souhaite présider les destinées d’un pays deux fois millénaires et jouer dans la cour des grands fauves de la planète, si l’on se prépare à disposer du feu nucléaire, si l’on s’expose depuis des années en s’invitant tous les jours dans les informations de toutes les presses, écrites, parlées, photographiées, numérisées, si l’on mène sa vie publique comme une vie privée, et vice versa, si l’on aspire à devenir le chef des armées, si l’on doit un jour garantir l’Etat, la Nation, la République, la Constitution, si, si, si, alors comment peut on réagir comme un animal blessé à mort, comme une bête souffrante, alors qu’on a juste à reprocher à son interlocuteur un blog confidentiel peu amène , certes, mais inoffensif ? Car je n’ai contre moi, pour justifier ce traitement disproportionné , que d’avoir signalé dans une poignée de feuillets sur un blog , que le candidat aux présidentielles me semblait très récemment et fort fraîchement converti à De Gaulle, au gaullisme, à la Nation, à la République, que ses citations de Jaurès et Blum apparaissaient fort opportunément dans un trajet d’une trentaine d’années au cours desquelles ces grands noms étaient introuvables dans ses interventions , questions qui, au demeurant, rendaient possible un débat, et que c’était d’ailleurs pour ces raisons que nous étions là, Alexandre Lacroix, Nicolas Truong et moi…. |